Je reçois d’un ami historien ce billet inspiré par des événements récents :
L’émotion et la causalité
ou le Point de Vue de Sirius est le meilleur
Faire de l’émotionnel (la marionnette dénoncée par M. Teste) au lieu de faire de la politique, et surtout de la géopolitique, est une tare inhérente à ce qu’on appelle encore la « démocratie » et qui n’est plus qu’une démagogie sans masque destinée à asseoir aussi solidement que possible le culte du Veau d’or illuminé par les projecteurs de la médiasphère.
Le carnage de Charlie Hebdo, il faudrait peut-être s’en souvenir, n’est qu’un épisode parmi beaucoup d’autres, et souvent beaucoup plus sanglants, qui ont illustré nos XXe et XXIe siècles depuis le réveil de l’Islam tueur et conquérant… avec lequel coexistait, j’allais dire presque paisiblement, l’Occident judéo-chrétien depuis le rabotage de la Sublime Porte.
Avant de poursuivre, éclaircissons un point de vocabulaire. On parle souvent des « fous d’Allah », mais je veux croire que les utilisateurs de cette expression s’en servent par commodité, pour aller vite. Ces fous-là ne sont nullement aliénés ; ils sont tout juste en conformité avec les préceptes du Coran (qu’il vous suffira de lire pour en vérifier la teneur), vadémécum du guerrier religieux qui entend répandre sa foi par la force comme jadis certains prosélytes chrétiens. L’idée selon laquelle il ne faudrait pas « amalgamer » ces fanatiques avec l’ensemble des musulmans est encore un de ces sophismes destinés à tournebouler un peu plus le mouton occidental atteint de la « tremblante ». La réalité, c’est qu’il y a comme dans les autres religions des islamistes qui croient aveuglément et pratiquent, et la grosse masse de ceux qui adhèrent mollement. Ceux-là sont les « islamistes modérés ». Certes, la minceur de leur foi ne les pousse pas à se ceindre le torse d’un chapelet d’explosifs, mais ne les empêche pas non plus, le cas échéant, de donner un coup de main aux frères de sang et de croyance.
Revenons à présent à la coexistence civilisationnelle des deux mondes, occidental et musulman, où les frictions du colonialisme n’avaient nul rapport, y compris en Algérie, avec les événements d’aujourd’hui. À partir de ce point d’équilibre historique, rappelons-nous à présent, car pour comprendre un événement ou une situation il faut toujours se rappeler l’Histoire, à quel moment ladite Histoire a basculé ; à quel moment le fauve s’est réveillé et hystérisé jusqu’à se déchiqueter lui-même (entre chiites et sunnites par exemple). À quel moment le terrorisme islamique, à quoi on pourrait trouver dans l’Histoire bien des précédents, est devenu notre pain quotidien.
Cela s’est passé de la manière qui va suivre, et que je vais évoquer par un petit apologue.
Vous vous appelez M. et Mme Dupont. Vous habitez avec vos enfants une jolie maison à Ville-d’Avray. Votre famille, votre peuple, sont installés en Ile-de-France depuis environ 2 500 ans, on ne va pas chicaner sur les dates. Et voilà qu’un beau jour, beau, c’est une façon de parler, une tribu celtique vaguement parente qui a vécu parait-il au même endroit un peu avant ces deux millénaires et demi (d’ailleurs ils ont quelques cousins établis à Neuilly et à Sarcelles) débarque chez vous avec armes et bagages. Maintenant, aujourd’hui, en janvier 2015. Exactement comme les fondés de pouvoir de M. Hitler en 1940. Elle décrète, cette tribu, que la terre d’Ile-de-France lui appartient de droit puisqu’elle s’y trouvait trois mille ans avant vous. Vous n’avez plus qu’à faire vos valises. Les envahisseurs vous boutent hors de votre jolie maison et s’y installent sous le bouclier des Etats-Unis. Un détail encore : vos enfants leur ayant lancé quelques pierres, ils les tirent comme des lapins dans la garenne, avec la bénédiction de tous les apprentis-sorciers de connivence.
Si vous, M. Dupont, ne vous transformez pas séance tenante en tueur en série, c’est que la tribu en question a eu bigrement raison de vous virer et de s’installer chez vous.
Il faut donc distinguer entre les causes immédiates et les causes efficiente. La scolastique aristotélicienne avait du bon.
Ajoutons à cela qu’avec une sorte d’instinct infaillible, depuis M. Giscard d’Estaing et à l’exception notable de M. Chirac, tous nos gouvernants ont fait le choix de combattre, ne fût-ce qu’en favorisant leurs adversaires, les seuls régimes proche-orientaux capables de s’opposer au délire fondamentaliste instrumentalisé. Le travail de sape organisé contre M. Bachar El Hassad, au prétexte imbécile qu’il ne serait pas un excellent démocrate, en est le plus récent épisode. Entre autres résultats, il permet à la Syrie, ainsi que la Lybie, l’Irak et autres terres hospitalières, de proposer aux jeunes gens à la recherche d’un travail et d’une position sociale, tout le matériel, la logistique et la pédagogie nécessaires au bon apprentissage de leur métier.
Ainsi, ni les « fous d’Allah » qui ne connaissent d’autres arguments dans le débat d’idées que la kalachnikov et le coupe-coupe, ni leurs mentors barbus, ni même Mahomet ne sont les seuls responsables de la tuerie de Charlie Hebdo. Il serait temps de remonter plus haut, plus loin et ailleurs, pour commencer à comprendre un tout petit peu ce qui se passe, et surtout ce qui va se passer. Car il ne s’agit que des préliminaires. N’imaginons pas une seconde que nous sommes pris sans y être pour rien dans la fatalité d’un « choc des civilisations », explication faite pour arranger ceux qui ne veulent voir que les effets sans jamais remonter aux causes. Nous sommes seulement, aveugles et sourds, moutons menés à la boucherie, entraînés dans une guerre de reconquête, devenue de races et de religions, qui n’est pas la nôtre. Voilà ce qu’avait bien compris d’avance, et conjuré, le général De Gaulle. Voilà ce que refusent d’admettre les imposteurs, les sots et les superficiels qui nous gouvernent. Pour sortir de cette impasse, un seul remède, un seul espoir : non pas multiplier les rondes de bidasses dans les lieux publics, mais changer de personnel politique. Balayer ces malheureux agenouillés devant le Mur des Lamentations. Tant que les moutons n’en seront pas convaincus, tant qu’ils croiront qu’ils vont gagner cette guerre qui n’est pas la leur en bêlant « Je suis Charlie » et brandissant des crayons, ils continueront à approvisionner les abattoirs. Hallal, bien entendu.