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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 05:30

Bien que située dans un tout autre contexte géographique, historique et géopolitique, l’affaire ukrainienne qui émeut actuellement les chancelleries occidentales ressemble de fort près aux précédents tunisien, libyen, égyptien, syrien, sans parler de l’Irak ni remonter jusqu’à l’Iran (M. Giscard, comme d’habitude, ayant ouvert la route qu’il ne fallait pas prendre.) Elle lui ressemble sur deux points.

    Le premier point, le plus déterminant, est évidemment une permutation dans la hiérarchie des mobiles politiques, au sein de la sphère gouvernementale et médiatique où s’élabore ce qu’il est convenable de penser ; conséquence directe du poids conféré à l’« opinion publique » ‒ plus fabriquée que spontanée ‒ par la puissance devenue gigantesque des moyens de diffusion tant traditionnels que nouveaux. Le maillage serré de la planète par les médias du « nouvel ordre mondial », qui ne vivent que pour et par cette opinion, entraîne en effet deux conséquences : la primauté accordée à l’émotionnel immédiat sur la connaissance du passé, sur le long terme, sur l’intérêt national,  et le développement sans frein ni vergogne de toute espèce de propagande, autrement dit de manipulation idéologique, jadis cantonnée dans des limites repérables de l’extérieur par des esprits dotés d’un sens critique même modeste.

   Le deuxième point de ressemblance est l’effervescence révolutionnaire déclenchée et pilotée par les éléments les plus extrémistes de la population. Ici ‒ Kiev ‒ nationalistes d’extrême-droite, héritiers des partisans du national-socialisme farouchement opposés à la domination soviétique ; là, intégristes musulmans désireux d’éliminer des régimes laïques ou tenus pour trop tolérants. Ce  mécanisme détonateur, commun à tous les soulèvements dans l’Histoire, ne mériterait pas d’examen particulier s’il ne s’affirmait en complète contradiction avec les valeurs proclamées par les gouvernements occidentaux qui les soutiennent : il y a quelque chose de profondément comique dans l’absurdité répétitive de la situation : ces nationalistes incendiaires, ces barbus fanatiques adoubés les uns après les autres par nos excellents démocrates, saisis par la débauche comme M. Le Trouhadec, et obtenant toujours le même type de résultat, sur lequel ils nous inviteront ensuite à pleurnicher.

   Autre élément assez farce dans l’affaire ukrainienne : qu’on soit parvenu à convaincre une partie de la population que sa prospérité serait assurée par la chimère bruxelloise, alors que tous les autres peuples ayant eu la sottise d’y croire rêvent de s’en débarrasser. 

   Le président Obama, avec une seule petite phrase étonnante, a vendu la mèche : « la Russie est du mauvais côté de l’Histoire. » Depuis l’extermination des Peaux-Rouges ‒ qui ne lisaient pas la Bible, on savait que Dieu se rangeait toujours aux côtés des États-Unis. À présent, nous voilà avertis que le sens de l’Histoire, dégagé du chaos par Hegel et Marx, et appuyé sur la Morale universelle, guide aussi les pas conquérants de l’Oncle Sam. Comment, dans ces conditions, ne pas s’agenouiller devant les Tables de la Loi yankee, comme le font si docilement les Européens, et spécialement les Français ?

   La Crimée, province russe depuis 1783, octroyée à l’Ukraine par Kroutchev pour calmer sa russophobie permanente, peuplée de russophones charnellement attachés à la Grande Russie, appartient  à celle-ci autant par son histoire que par sa géographie. Il faut toute la mauvaise foi américaine pour soutenir le contraire et s’opposer au légitime sentiment national d’une population qui ne se reconnaît en rien dans le coup d’État de Kiev. La petite phrase de M. Obama n’est que la face visible d’une action beaucoup plus vaste, menée secrètement par tous les moyens possibles pour empêcher le renouveau de la puissance russe, du patriotisme russe, conduit avec le succès que l’on sait par Vladimir Poutine. Avez-vous remarqué comme les médias aux ordres parlent de lui, pour discréditer tout ce qu’il fait y compris les Jeux olympiques ? C’est la politique américaine, justifiée par l’histoire américaine, mais ce n’est pas la nôtre. La vocation de la France n’est pas de se soumettre une fois de plus aux intérêts des Etats-Unis. Elle est d’assurer un équilibre des puissances, non la domination d’une seule. Il y a un choix à faire : entre les vociférations et les singeries moralisantes de M. BHL débouchant sur le néant géopolitique, et la politique telle que l’aurait menée De Gaulle en semblable circonstance. Cette politique à la mesure de la France, il est à craindre que les ectoplasmes qui nous gouvernent ne soient même pas en mesure de l’imaginer.

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