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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 18:15

   Elles sont bien loin les années où Philippe Touraine, le patron des Éditions de la Tour d’Ivoire, m’invitait sur son bateau à l’ancre devant Saint-Tropez, pour déguster les homards préparés par Ponce Pilate. J’observais de haut les grouillements de l’humanité au fond de ses cuves de béton. J’était jeune, mince, bronzé comme un pâtre crétois ; aujourd’hui je souffle dans les escaliers telle une vieille chouette. Peut-être devrait-on mourir à cinquante ou soixante ans : on le faisait de bon cœur au bon vieux temps, le temps où l’on savait encore vivre et mourir. Cela m’aurait évité de pousser, comme il m'arrive maintenant, ma barque jusqu’aux vagues de l’actualité, qui se succèdent, se recouvrent, disparaissent presque instantanément.  Leur unique attrait : vous secouer presque toujours d’un rire irrépressible. À peu de distance du rivage (prudence !), on jette sa ligne, dans l’espoir d’attraper quelque événement digne de l’assiette. Ces jours derniers, on n’a pas été trop déçu.

coluche-luron.jpgLe mariage de Coluche et Thierry Le Luron.

 

Délitement des élites

   D’abord, l’ouverture solennelle, par le président normal en personne, de la cage aux folles. (Comment n’a-t-on pas encore songé à interdire et la pièce et le film, dont le décalage par rapport à la nouvelle « norme » ne va plus tarder à devenir intolérable et passible des tribunaux !) Le mariage, institué dans toute société plus ou moins civilisée pour conférer une assise socialement convenable et familialement stable à la transmission animale de la vie (cette transmission gouvernée par le petit dieu grimaçant que Valéry nommait Éros énergumène), va donc officialiser la pariade d’individus du même sexe. Cette invention burlesque nous remet en mémoire la parodie jouée en 1985 par Thierry Le Luron en haut-de-forme et Coluche une plume d’autruche dans le derrière, épousailles « pour le meilleur et pour le rire », qui firent la joie de la France entière. Aujourd’hui, c’est-à-dire près de trente ans plus tard, la chose est débattue avec le plus grand sérieux. On mesure ainsi le progrès de l’imbécillité dans la conscience collective. Imbécillité programmée, que nous voyons à l’œuvre depuis la fin des années soixante grâce à des dizaines de milliers d’« idiots utiles », comme on les appelle, et mise au service d’un changement notable, non pas dans l’évolution des mœurs comme se plaisent à l’invoquer nos élites délitées, mais dans la finalité de la politique : celle-ci, jusqu’à une époque récente, était considérée comme guidée par l’intérêt général. Or quel est l’intérêt général d’un groupe, s’il croit à l’aventure humaine, à son avenir, à la transmission des valeurs sur lesquelles il se fonde, sinon la perpétuation de l’espèce ? Et qu’est-ce qui est le plus contraire à cette perpétuation qu’un stérile simulacre d’accouplement, dont la reconnaissance officielle doublée d’une continuelle apologie (notamment à la télévision, au cinéma) va aboutir à un seul résultat : son encouragement, sa multiplication ? Mais il se trouve que peu à peu, par un jeu de pressions et appâts divers s’appuyant sur la niaiserie « citoyenne », l’intérêt général qui n’a rien à offrir que lui-même et une permanente apathie, fait place aux appétits particuliers infiniment plus remuants, activistes, influents, qui partout se présentent sous les couleurs de l’« humanisme » et de la « morale », alors qu’ils en sont tantôt la caricature, tantôt la figure inversée. Ainsi la société occidentale est-elle invitée au suicide, tandis que montent autour d’elle, portés par le balancier de l’Histoire, des impérialismes qui depuis longtemps attendent leur revanche et la voient avec gourmandise se dessiner dans nos pourrissements.

   Au fait, quand pourrai-je épouser ma sœur ?

 God save the Queen

   Autre événement, positif celui-ci : l’annonce par le premier ministre de sa Majesté d’un référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne du marécage européen. Je me souviens d’un texte de mon biographe Michel Mourlet, au début des années 2000, où celui-ci saluait déjà l’intelligence et la perspicacité de nos voisins d’outre-Manche, qui avaient su prendre de l’Europe des ronds-de-cuir ce qui les avantageait, sans trop s’alourdir de ses handicaps, le plus évident pour tout le monde sauf pour les banquiers, les économistes et leurs valets politiciens  étant la monnaie unique. À présent que ses inconvénients risquent pour la perfide Albion de surpasser de beaucoup ses faibles avantages (d’ailleurs jamais chiffrés) et poussent le monstre impotent droit vers le cimetière surpeuplé des chimères historiques, l’Angleterre une fois de plus va tirer son épingle du jeu. Car le résultat du référendum ne fait guère de doute : connaissez-vous beaucoup de gouvernements qui acceptent le principe de la consultation populaire directe sur un sujet qui intéresse directement la population, sans être quasiment sûrs de la réponse ?

   Perspective réjouissante : je verrai peut-être la fin du cauchemar européiste avant ma mort. Rêvons un instant. L’Angleterre, riant sous cape, soulève poliment son chapeau melon et se retire. Les pays qui ont le plus souffert du carcan : Grèce, Espagne, et qui n’ont pas osé prendre l’initiative de leur salut, suivent son exemple. L’Italie, sauvée des griffes molles du sinistre Monti, proteste de son attachement à Bruxelles tout en préparant en douce son retour à la souveraineté, autre nom de la liberté. L’Allemagne, malgré tous les bénéfices qu’elle a retirés d’un quatrième Reich enfin conquis et taillé pour elle sur mesure, n’en peut plus de devoir payer et payer sans cesse pour maintenir la cohésion de son empire déglingué ; elle finit par se rendre à l’évidence : les meilleures choses, comme les saucisses, n’ont qu’un temps ; et elle retrouve avec soulagement son deutschemark. La Belgique se fend en deux. En fin de compte, et après d’ultimes défections, l’Europe, plus invincible que jamais avec sa monnaie de plomb et, à la barre, M. Trichet le cheveu en bataille, se replie sur trois positions inexpugnables : la France, Monaco et le Luxembourg.  

  

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  • : Réflexions sur la politique au fil de l'actualité, par le personnage principal d'une série romanesque de Michel Mourlet intitulée "Chronique de Patrice Dumby".
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