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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 14:03

 

La volonté politico-médiatique tantôt sournoise, tantôt affichée d'imposer l'usage de la langue anglaise aux Français nous paraît aussi pertinente que les trémolos d'enthousiasme qui  accueillirent le prétendu printemps de la liberté dans les nations arabes. Ou si l'on préfère, aussi stupide que  le soutien, ruineux en sang versé et en argent dilapidé pour rien, que lui ont prodigué en Libye nos soldats. Bien que motivée par l'appât pétrolier et une vengeance tardive, autant de sottise a rarement été étalée par notre pays, pourtant généreux en la matière au cours de son histoire. Il convient de le rappeler puisque on entend aujourd'hui les mêmes qui applaudissaient chaque nouvelle victoire du fondamentalisme barbu pleurnicher sur les inéluctables conséquences (elles ne font que commencer, timidement) entraînées par la défaite des régimes qui le maintenaient en respect.

   Or donc, ces gens qui ont apporté leur aide aux incendiaires et rabâchent en bons perroquets les slogans éculés de la solidarité économique européenne, laquelle, si on l'accentue derechef, nous précipitera encore davantage au fond du tonneau des filles de Danaos, ces gens qui se trompent et nous trompent presque systématiquement sur tout, prétendent que s'ils veulent survivre dans la jungle mondialiste, les Français doivent pratiquer de préférence à leur propre idiome et depuis la maternelle le sabir supposé éternel des échanges internationaux, l'espéranto des marchands de soupe, bref, l'angloricain. Instruits de leurs perpétuelles erreurs de jugement, de leur incapacité à embrasser l'ensemble passé et présent d'une situation pour en calculer les effets logiques, il nous faut par conséquent examiner à leur place ce qui se passe en ce moment même dans ce domaine et ce qui a les plus grandes chances d'arriver demain.

   On observera d'abord que la langue angloricaine est avant tout le vecteur de communication de l'économie de même origine. L'économie états-unienne, chacun le sait et de surcroît le dit, est depuis belle lurette en quasi-faillite, du fait que le nationalisme américain pur et dur appuyé sur un protectionnisme dénué de vergogne s'est arrogé naguère avec une étonnante habileté le droit d'imposer son ordre commercial et militaire à la planète sans en posséder les moyens. Même l'empire romain beaucoup plus puissant par rapport au monde antique, n'y est pas durablement parvenu. Pour généraliser vite, mais sans trop nous écarter du vrai : l'économie américaine, artificiellement suspendue au fil du dollar, monnaie de circulation internationale, n'est plus fondée sur une réalité tangible ; elle est portée par une idée du type escroquerie boursière, planche à billets, bulle économique, système de Law,  ou toute autre virtualité qui ne fonctionne que par le consentement de ses utilisateurs,  n'existe qu'autant qu'on y croit. Cette machine virtuelle pour tourner et s'imposer a besoin d'un moyen de communication qui en premier lieu, comme toujours, comme partout, est la langue. L'utilité pratique de l'angloricain, prônée par les Copé et les Pécresse, s'établit pour le principal sur la prédominance actuelle de la fiction financière du dollar. Que le dollar s'effondre, qu'un autre étalon le remplace, l'utilité de sa langue de communication disparaîtra.

C'est le premier point.

   Second point : le rapport de puissance des blocs linguistiques. Nous quittons ici la relation entre un système financier et son vecteur de communication pour aborder plus directement le rapport des forces économiques et démographiques réelles en présence. Sous ces deux aspects, ou seulement l'un d'eux,  les blocs linguistiques sino-asiatique, hispanophone (y compris sur le territoire des Etats-Unis), slave, d'ores et déjà seraient capables d'opposer leur propre langage au vecteur actuel de l'économie fictive. Inévitablement, comme cela fut le cas pour l'Union soviétique, autre fiction reposant elle aussi, essentiellement, sur une croyance universelle, l'empire du mondialisme américain au dollar d'argile s'écroulera, et avec lui la suprématie de sa langue véhiculaire.

   Ainsi, de quelque point de vue qu'on l'envisage, cette suprématie ne saurait durer indéfiniment comme semblent l'imaginer, si tant est qu'ils imaginent quoi que ce soit au-delà de la semaine prochaine, les responsables politiques de notre Éducation nationale (les mêmes, notons-le, qui de réforme en réforme s'emploient avec succès depuis un demi-siècle à démanteler ce qui fut l'une des meilleures écoles du monde). L'instrument dont, toujours en retard d'une guerre ou deux,  ils veulent doter les petits Français servira autant à ceux-ci qu'à leurs pères les boutons de guêtre du maréchal Le Bœuf ou les fortifications d'André Maginot. Avant même que l'apprentissage de l'anglais soit en place dans nos maternelles, je suis prêt à parier que les petits Américains auront commencé à apprendre le chinois.

 

(20 décembre 2011)

 

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